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Une homélie pour le mercredi des Cendres.

Je voudrais, frères et sœurs, vous inviter à vivre ce Carême comme un moment de joie.
Mais pourquoi donc ?
Parce que le Carême est un triple rendez-vous : Nous avons rendez-vous avec Dieu Père. Nous avons rendez-vous avec nos frères. Nous avons rendez-vous avec nous-mêmes.
Et tout au long de ce Carême nous serons invités à prendre le temps pour être présents à ces rendez-vous.

Nous avons rendez-vous avec Dieu qui est Père.

Il ne s’agit pas d’aligner des exercices de piété que nous aurions à comptabiliser. Il ne s’agit pas tant de faire des prières que de prier, autrement dit d’essayer d’entrer en relation avec Dieu Père, «   dans le secret », précise Jésus. Pourquoi ? Parce qu’une relation ne se mesure pas au nombre de lettres, de coups de fil ou d’heures passées ensemble, elle est dans l’intensité de la communion, et ça c’est dans le secret du cœur.
Voulez-vous que nous prenions quelques instants pour laisser Dieu Père nous dire : «  Je voudrais te rencontrer dans le secret, tu es mon enfant ! » Comment allons-nous répondre à cette invitation très personnelle ? Dans le silence essayons de répondre.

Nous avons rendez-vous avec nos frères.

Il ne s’agit pas de claironner notre générosité, même si elle est très louable. Il ne s’agit pas de calculer la totalité de nos dons pour en faire un bilan. Il s’agit d’ouvrir nos mains à la dimension de l’ouverture de notre cœur, « dans le secret », précise encore Jésus. Pourquoi ? Parce que « si la main gauche ignore ce que donne la main droite », c’est pour laisser Dieu, et Dieu seul, reconnaître notre sens du partage.
Le partage est le nouveau nom de l’aumône, il exprime la reconnaissance de l’autre que l’on cherche à aimer comme soi-même puisqu’on lui donne une part de soi-même.
Mais qui dit « partage » dit aussi « échange » : il faut un cœur de pauvre pour recevoir de l’autre, pour s’enrichir de la richesse de l’autre. Il en est du partage comme de la prière, ce n’est jamais à sens unique : si la prière n’est pas un monologue, mais un dialogue, le partage, lui, n’est pas que don, mais aussi échange. Et vous le savez, il y a énormément de joie dans un échange de cadeaux. Cet échange se fait dans le secret, et Dieu qui seul voit dans le secret saura reconnaître la qualité du cœur qui offre et reçoit.
Voulez-vous que nous prenions encore quelques instants pour laisser le Christ nous redire sa parole si souvent entendue : «  ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites. » Avec son Eglise, il nous invite à l’aumône, au partage. Dans le silence essayons de répondre au Christ notre frère qui fait de tous les hommes nos frères.

Nous avons rendez-vous avec nous-mêmes.

Pourquoi faire ? Pour faire l’expérience de la liberté. Le jeûne a ce but : nous prouver à nous-mêmes que nous pouvons vivre de l’essentiel, en nous libérant du superflu. En jeûnant, le croyant cherche à se rendre disponible à Dieu, et en même temps, il est invité à partager ce que, en jeûnant, il économise, pour l’offrir aux pauvres. Le jeûne est ce temps d’épreuve, au sens fort du mot, temps où l’on s’éprouve soi-même pour être plus en relation avec Dieu et avec les autres. Ce n’est donc pas l’ascèse pour l’ascèse qui est recherchée, ce n’est pas non plus la somme des privations qui compte, mais ce comportement vécu « dans le secret », précise encore Jésus, qui nous révèle un peu mieux qui nous sommes : des hommes et des femmes appelés à la liberté, en recherche d’une libération.
Tous nous souffrons de certaines chaînes qui entravent notre liberté, mais nous ne souffrons pas tous des mêmes chaînes. Voulez-vous que dans le silence nous laissions le Christ nous dire : «  Je viens encore pour te libérer, mais je ne te libérerai pas sans toi. Acceptes-tu de jeûner pour faire tomber tes chaînes . » Dans le silence essayons de répondre à cette invitation du Sauveur.

J’aimerais, frères et sœurs, que les réponses que nous avons essayé de donner et que nous donnerons tout au long de ce Carême nous donnent le sourire.
C’est un Dieu Père que nous allons rencontrer dans la prière, ça doit nous réjouir. C’est un Christ frère que nous allons rencontrer dans nos gestes de partage, ça doit aussi nous réjouir. C’est un Christ sauveur que nous allons rencontrer dans le jeûne, ça doit encore nous réjouir.
Alors bon Carême à chacune et à chacun d’entre nous. C’est Dieu qui nous regarde «  dans le secret », n’oublions pas de lui sourire.
Père Bernard PLISSON.