La maladie et sa faiblesse m’ont appris beaucoup de choses : accepter la réalité et composer avec, apprendre à compter sur les autres, mais surtout accepter de partager les charges pour un meilleur service.

Quand on est doué pour quelque chose et qu’on y a du goût, on s’arroge le droit de tout faire tout seul, sûr des bons résultats de nos efforts.

Même si c’est parfois objectivement mieux fait quand on travaille tout seul, on prive les autres de s’y atteler, d’essayer de faire mieux, et on démotive les gens d’agir. Ainsi on casse des vocations en herbe, on brise un envol et c’est très dommageable. Or, une œuvre collective, peut-être moins parfaite, a permis de mettre en route des gens, a construit une communauté, a ouvert l’individu à la confiance. Et en plus cela a permis à celui que la maladie obligeait à faire appel à d’autres, de se reposer, de garder des forces pour un meilleur service, plus longtemps.

Je reconnais que ce n’est pas facile de partager le travail, souvent c’est plus simple de bâtir un projet tout seul qu’en groupe, plus gratifiant aussi pour son égo. Voilà le point douloureux : partager c’est accepter de diminuer pour que l’autre grandisse. Jean le Baptiste, le précurseur, le dit très bien en indiquant Jésus à ses disciples : « Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue » (Jean 3, 30). Partager les tâches c’est du même ordre. C’est prendre le risque que l’autre nous dépasse, c’est accepter de ne plus être le meilleur, c’est au fond se dessaisir de soi pour laisser la place à l’autre, au tout autre. C’est un acte d’humilité et d’amour.

C’est bien ce qu’évoque Jésus à la dernière Cène : il faut s’aimer les uns les autres comme le Père aime le Fils et le Fils le Père, dans l’Esprit. Il n’y a pas d’autres chemins. Accepter de se faire aider c’est mieux aimer les autres et même mieux aimer Dieu, car c’est reconnaître la supériorité de la communauté à la pure individualité.

C’est une leçon pour chacun, une voie d’épanouissement pour la société. Car chacun est appelé à se découvrir des talents à mettre au service de tous, talents qu’il va développer, épanouir pour sa réalisation propre et le bien de la communauté tout entière, soit-elle une famille, une entreprise, une association, une paroisse.

De plus il ne faut pas oublier que notre corps est le temple de Dieu et nous lui devons respect, soins et attention. Soigner son corps c’est prendre soin de l’image de Dieu. Un visage pacifié, souriant, lumineux attire les gens et rend gloire à Dieu : n’oublions pas que nous sommes visage de Dieu pour le monde.

Anna BELOEIL-BENOIST

Le Sinagot n°443 – Juillet-Août 2024