Cette homélie a été prononcée le 21 septembre 2008 par le frère dominicain Olivier DE SAINT-MARTIN. Un appel qui vaut aussi pour notre paroisse.

Le royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Dans la Bible, la vigne est souvent l’image du Peuple de Dieu lorsqu’il tire sa vie du Seigneur. Et lorsque Jésus dira : Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments, il nous fera comprendre qu’il est le cep, la véritable vigne à laquelle nous sommes greffés et que nous ne pouvons vivre sans lui. Si c’est cela l’effet du baptême, ce dernier n’est pourtant quelque chose magique ! Il ne suffit pas de tomber dans la marmite pour porter du fruit ! En effet, si la vigne n’est pas travaillée, elle se développe de manière anarchique, est attaquée par toute sorte de champignons et meurt. La vigne a besoin d’ouvriers pour porter du fruit. Et c’est pour cela que si nous sommes la vigne, nous sommes appelés à en être aussi les ouvriers.

Il y a les ouvriers du point du jour. Ils se sont levés tôt, ils sont toujours disponibles. Ici, dans une jeune paroisse comme la nôtre, ils sont encore là les ouvriers de la première heure. Ils ont porté la paroisse sur les fonts baptismaux. Cherchez-les au milieu de nous ! Plus généralement, les ouvriers du point du jour, ce sont ceux qui sont toujours disponibles pour servir. À croire qu’ils ont tous fait du scoutisme tant leur devise semble être : Toujours prêts… sans attendre d’autre récompense que de savoir que nous faisons ta volonté Seigneur ! Anciens et nouveaux, ils entendent l’appel et y répondent.

Il y a aussi les ouvriers de la troisième heure, de neuf heures du matin. Ils se sont levés un peu plus tard et ils ne savent pas trop quoi faire de leur journée. Les désœuvrés, ce sont un peu ceux qui, au milieu de nous, se cherchent. Ils ne savent pas trop comment s’y prendre avec la foi et encore moins comment l’annoncer. C’est le temps de la jeunesse spirituelle, lorsqu’on n’a pas encore complètement trouvé sa place dans l’Église. On a un peu peur de devoir sacrifier une part de sa vie si on se met à suivre le Christ. Pourtant le Maître a besoin de ceux-là aussi. Il leur dit : Vas, toi-aussi, à ma vigne. Ne crains pas. Je connais ton cœur, c’est moi qui l’ai façonné. Si tu viens à ma suite, tu découvriras une vie belle et pleine. Tu découvriras le bonheur exigeant de l’amour vrai ! Je ne prends rien, je donne tout ! Cherche-moi puisque je me laisse trouver !

Enfin, à la onzième heure, il reste encore du monde. Ceux qui ne méritaient pas, selon des critères humains, une embauche. Sans doute n’étaient-ils pas assez rentables. Comme ne pas penser, frères et sœurs, à ceux d’entre nous qui sont souffrants, qui se sentent inutiles, indignes, ceux à qui nos regards disent : reste où tu es ! Je n’ai pas besoin de toi. Le Maître du domaine, lui, a besoin de ces personnes, de leur poids de sagesse, de leur poids de prière, de leur poids d’amour pour travailler à la vigne. Il leur dit : Toi qui est peut-être abandonné par notre société, toi qui es malade, handicapé, pauvre, rejeté, émigré, prisonniers, chômeur, âgé, seul, je compte sur toi pour dire au monde entier ce qu’est l’amour. Tu as ta place dans le travail de la vigne ! Personne n’est indifférent à mes yeux. Au contraire, tu as du prix à mes yeux et je t’aime.

Ainsi donc, le Seigneur nous révèle qu’il a besoin de chacun, qu’il n’est permis à personne de rester là, sans rien faire. Allez, vous aussi. L’appel ne s’adresse pas seulement aux prêtres, aux religieux et aux religieuses ; il s’étend à vous tous qui êtes ici. Il faut donner ce que nous avons reçu, il ne faut pas thésauriser ! Il y a tant de manière de révéler le visage de Dieu. À chacun de choisir la sienne, sachant qu’il y a deux manières fondamentales que sont la prière et l’accueil inconditionnel de l’autre. Aller à la vigne, c’est faire en sorte que chacun découvre qu’il est aimé de Dieu. C’est faire en sorte que chacun devienne un sarment qui porte du fruit. Travailler à la Vigne, c’est vouloir que nous-mêmes et les autres soient plus unis au Cep qui est le Christ ! Et c’est la là vocation d’une paroisse.

Une paroisse n’est pas d’abord une structure, un territoire, un édifice ; c’est avant tout la famille de Dieu, une fraternité qui n’a qu’un seul cœur et une seule âme. C’est une maison de famille accueillante. C’est une communauté eucharistique, une communion. Une communion qui est la communion de saints, la communion de ceux qui affirment : Tous nous avons part au même pain, tous nous ne formons qu’un seul corps. Et cela, frères et sœurs, il faut que cela se sente, que cela soit palpable. Être appelé à travailler à la vigne du Seigneur c’est nous aider les uns les autres à vivre concrètement cette réalité. Aimons-nous les uns les autres… car l’amour vient de Dieu ! Soyons les révélateurs de cet Amour. Que soient à jamais bannis les sentiments de discorde, de jalousie, de comparaison, d’envie… Tout cela vient du Mauvais !

Essayons d’être de bons ouvriers, c’est-à-dire de révéler le visage aimant de Dieu pour les autres. Alors la vigne trouvera sa place au milieu du domaine plus vaste du Maître. Ce domaine, c’est le monde. Nous avons à en être la lumière et le sel. J’ai lu un tag qui disait : Circulez, il n’y a rien à vivre. C’est comme s’il y avait eu, dans le cœur de celui qui l’avait écrit, un désir inassouvi et déçu. Eh bien, la réponse à ce désir, la paroisse peut la fournir si, grâce à tous les ouvriers, elle reste fidèle à sa vocation : être dans le monde le lieu de la communion des croyants. Elle deviendra alors appel à la communion, révélatrice de la vocation de chacun à la communion avec Dieu et avec ses frères. En un mot, la paroisse doit être comme le disait le bienheureux pape Jean XXIII, la fontaine du village à laquelle tout le monde vient étancher sa soif.

Fr. Olivier DE SAINT-MARTIN